Update: Les obsèques dans les deux grandes Eglises: forte adhésion malgré une concurrence laïque croissante

17. Avr. 2022

«Et j’enterrais, quand j’en voyais, les cadavres de mes compatriotes, jetés par-dessus les remparts de Ninive.» (Tb 1:17)

Article de blog mis à jour en 2020

Urs Winter-Pfändler

Qu’en est-il des enterrements religieux en Suisse? Les Eglises doivent-elles se préparer à des changements en ce domaine ou, au contraire, la tradition va-t-elle perdurer?
Malheureusement, tout porte à croire que les choses évolueront au cours des années à venir. A l’instar du recul observé s’agissant des baptêmes ou des mariages, les mégatrends tels que la sécularisation et l’individualisation ne semblent pas vouloir marquer le pas s’agissant des obsèques religieuses et la manière d’aborder la fin de vie et la mort.

Aussi, dans cette contribution, il convient non seulement de présenter les résultats actuels des enquêtes menées sur la situation en matière d’enterrements en Suisse mais aussi de s’autoriser à porter un regard prospectif. On expliquera pourquoi la vision de la fin de vie et de la mort a changé et ce, avec quelles répercussions mesurables aujourd’hui et demain sur les obsèques religieuses. La question de savoir quels tâches et défis en résulteront pour les Eglises sera traitée en dernière étape.

 

1. Les obsèques religieuses comparativement aux baptêmes et aux mariages à l’église

Si l’on compare le nombre des enterrements religieux par rapport à celui des baptêmes ou des mariages célébrés au sein de l’Eglise catholique, les ensevelissements occupent la première place, avec quelque 24’000 célébrations par an (cf. graphiques 1 et 2). Aucun rituel religieux n’est aussi souvent sollicité que dans le cas des funérailles. Le nombre des baptêmes, qui s’élèvent à environ 12’000 par an (effet de la pandémie entre les années 2019 et 2020), est sensiblement inférieur, force étant de constater aussi que le fossé entre baptêmes et enterrements n’a cessé de s’élargir au cours des dernières années. Cela pourrait traduire une distanciation accrue d’avec l’Eglise chez les jeunes parents catholiques. Car, à l’instar du recul des données enregistrées pour les baptêmes, celles relatives aux mariages se résument désormais à des nombres à quatre chiffres

2. Pourcentages respectifs des enterrements religieux dans les deux grandes Eglises

Combien de membres des Eglises demandent à être inhumés religieusement? La réponse à cette question permet d’établir les taux dits d’enterrements. Ceux-ci ont été calculés en se basant sur les statistiques relatives à la mortalité et à l’appartenance religieuse (catégorie d’âge de 65 ans et plus) établies par l’Office fédéral de la statistique (OFS) et sur le nombre des ensevelissements religieux au sein des Eglises catholique et évangélique réformée. Le graphique 3 met en évidence les résultats.
Conclusion: les obsèques religieuses continuent à faire l’objet d’une forte demande dans les deux grandes Eglises. Dans nombre de cantons, le taux atteint même 100%. En d’autres termes, la plupart des défunts ayant appartenu à l’Eglise catholique ou à l’Eglise évangélique réformée sont enterrés religieusement.

2.1 Différences selon les cantons et les régions linguistiques

Comme le montre le graphique 3, les taux d’enterrements sont variables, et l’on peut observer des écarts à cet égard entre cantons et régions linguistiques: ainsi, les taux calculés dans les cantons de Genève et de Vaud, pour ce qui concerne l’Eglise catholique, sont à quelque 50%. Dans les cantons de Bâle-Ville et de Berne, six fidèles sur dix sont également encore enterrés à l’église. En outre, il est frappant de constater que les cantons traditionnellement réformés (p.ex. Appenzell Rhodes-Extérieures) se caractérisent par des taux d’ensevelissements religieux relativement bas s’agissant de l’Eglise catholique.

 

2.2 Les raisons de ces différences

Les raisons de ces différences sont à rechercher dans le contexte urbain ainsi que dans des données propres à certains cantons de Suisse occidentale:

Dans les cantons-villes tels que Bâle-Ville ou Genève, l’éloignement d’avec l’Eglise est de plus en plus perceptible. Ainsi, le pourcentage des personnes sans confession dans les grandes villes en Suisse oscille entre 36,2% (Berne) et 55% (Bâle). En ville de Genève, cette proportion s’élève à 46,7% (tous les chiffres se rapportent à l’année 2020). Si dans les cantons ruraux d’obédience catholique (p.ex. Appenzell Rhodes-Intérieures, Obwald, Nidwald et Uri), les traditions religieuses semblent conférer aux individus ancrage et stabilité, elles ont perdu de leur caractère évident dans les zones urbaines. De plus, les Eglises se voient confrontées dans les villes à des concurrents «laïcs» plus nombreux (voir ci-dessous).

S’agissant des cantons romands, d’autres facteurs encore pourraient expliquer les différences observées. Dans ceux de Genève et de Vaud, les membres des Eglises issus de l’immigration y sont surreprésentés par rapport à la moyenne. Lorsque ces personnes décèdent, leur enterrement religieux a souvent lieu dans leur pays d’origine et, dès lors, n’apparaissent pas dans les statistiques suisses.

En outre, seuls de rares cantons francophones connaissent une affiliation à l’Eglise fondée sur le droit public et l’assujettissement des fidèles à des impôts ecclésiastiques. Aussi, l’incitation à quitter les Eglises pour des motifs économiques n’existe pratiquement pas en Suisse romande. Autrement dit, en Suisse alémanique, le membre d’une Eglise qui ne se sent plus aucun lien avec elle cherchera normalement à lui retirer le soutien matériel qu’il lui assurait jusque-là au travers de ses impôts. Il aspirera dès lors à se détourner de l’institution. Dans certains cantons romands, une telle sortie de la communauté ecclésiale n’est pas possible en raison des structures organisationnelles différentes qui y règnent. Certes, où que ce soit dans le monde, un baptisé ou une baptisée peut toujours demander à quitter l’Eglise catholique en vertu du droit canonique (apostasie). Toutefois, le travail administratif qu’implique cette démarche semble avoir un effet plutôt dissuasif, ce d’autant que les économies d’argent à réaliser sont généralement minimes. Les chiffres relatifs aux sorties d’Eglise en sont la preuve manifeste. A l’inverse de la situation prévalant en Suisse alémanique, les cantons romands ne recensent pratiquement aucune demande de quitter l’institution.

Conclusion: pour quelques cantons francophones, il est permis de supposer que la proportion des fidèles qui, dans leur for intérieur, se tiennent à l’écart de l’Eglise est plus importante qu’en Suisse alémanique. Dès lors, en cas de décès, les proches du défunt non seulement ne savent pas comment entrer en contact avec l’institution ecclésiale mais encore n’ont qu’une vague idée du déroulement d’un enterrement à l’église. A cela s’ajoute que ces personnes, au vu des idées qu’elles nourrissent en matière de valeurs et de convictions religieuses, se sentent mieux soutenues par un prestataire laïc que par l’Eglise.

Dans le canton du Tessin, le pourcentage des enterrements religieux au sein de l’Eglise évangélique réformée n’est que de 38% (2019). Autrement dit, pas plus de quatre membre de cette Eglise sur dix n’est inhumé religieusement. Il est probable que l’Eglise protestante tessinoise soit constituée de personnes provenant d’autres régions du pays et qui souhaitent être enterrées dans leur canton d’origine. En Valais également, le même phénomène devrait contribuer à expliquer le faible taux d’ensevelissements au sein de l’Eglise évangélique réformée, lequel se situe aux alentours de 55%.

Toutes ces raisons contribuent à expliquer les différences observées entre les cantons.

 

2.3 Pronostics à propos de l’évolution future des obsèques religieuses

Le pourcentage des enterrements religieux continuera-t-il à être élevé ou tendra-t-il à diminuer comme on le constate en milieu citadin? Malheureusement, nous partons du principe que la deuxième hypothèse devrait se vérifier notamment dans les cantons de type urbain.
Une des raisons réside dans la distanciation croissante d’avec l’Eglise. Actuellement, ce sont la plupart du temps des personnes âgées dont l’enterrement a lieu à l’église. Il s’agit d’individus qui, de manière générale, ont été éduquées et sociabilisées dans un cadre essentiellement chrétien, ce qui n’est plus le cas des jeunes générations. Le risque existe que ces dernières ne transmettent plus à leurs enfants les connaissances religieuses de base, car au fil du temps, ce bagage s’estompe et finit par être oublié.

Dès lors, il est probable que les chiffres des enterrements religieux au sein des deux grandes Eglises évoluent au cours des années à venir. Frank Thieme, auteur de Sterben und Tod in Deutschland, fait ce constat: “même si l’Eglise au sens rituel, pastoral et pratique du terme reste encore un acteur institutionnel important, la poussée de désertion de l’Eglise qui se manifeste depuis une génération se révèle avoir un impact significatif” (trad., p. 153).

Outre la perte d’importance des Eglises évoquée plus haut, il existe aussi des conceptions modernes des valeurs, une visibilité de la fin de vie et de la mort dans la société, de nouvelles traditions autour des décès, etc., qui sont propres à influencer l’aménagement (futur) de l’enterrement à l’église et sa prise en considération. L’impact de ces évolutions sur les obsèques religieuses est expliqué ci-après. Parallèlement sont décrits les tâches et défis qui attendent les Eglises face à la fin de vie, à la mort et au deuil.

3. Changements de société et approche de la fin de vie, de la mort et du deuil

3.1 Perte d’importance de l’Eglise

Tandis qu’il y a quelques années encore, on se trouvait face à des représentations et convictions religieuses communes ainsi qu’au même langage et aux mêmes symboles en matière de foi pour échanger sur la mort, cette réalité tend à se dissiper de plus en plus. Chacun se forge une image personnelle de la vie et de la mort, et sur «ce d’où nous venons et où nous allons». Résultat: les représentations individualisées de la spiritualité personnelle n’ont plus de lien avec les conceptions proposées par les grandes communautés de foi. Pour Rainer Schützeichel (Sinnwelten des Trauerns), “la fin de vie, la mort et le deuil se sont «laïcisés», à savoir qu’ils sont dissociés de l’interprétation religieuse, confessionnelle ou ecclésiale qui en était faite et de rites protecteurs” (trad., p. 115). Semblable évolution a conduit à une perte d’importance des Eglises en général mais aussi plus particulièrement pour ce qui a trait aux questions touchant la mort et la fin de vie.

Durant des siècles, les Eglises avaient pour tâche d’intégrer la mort dans un contexte religieux global, par exemple dans la confiance en Dieu et des représentations de l’éternité, cela afin d’enlever à la mort «son aiguillon» (cf. 1Co 15.55s). Dans la vision chrétienne, la mort n’a pas le dernier mot. Au contraire, l’homme est entre les mains de Dieu sa vie durant et à l’heure de sa mort. Aux yeux de nombreux individus, cette promesse du salut apparaît de plus en plus incompréhensible, sans pertinence ou ne s’imposant pas à l’esprit. Pour Frank Thieme, “la certitude de la consolation ancrée dans la foi et la peur de l’enfer font place chez beaucoup de gens au ‘néant’ pur” (trad., p. 72). Il en résulte que la foi perd son rôle consolateur et que la vie sur terre prend toujours plus de poids. Et l’auteur d’ajouter: “une conduite de l’existence axée essentiellement sur le présent occupe la première place dans la mesure où la pensée de la mort ne serait que source d’anxiété” (trad., p. 73).
Au vu de ces éléments, rien n’est moins évident aujourd’hui que les proches d’une personne décédée et autres participants à une célébration funèbre comprennent les signes et symboles chrétiens ou connaissent les chants et les prières de l’Eglise.

 

3.2 La mort et la fin de vie sont en contradiction avec les valeurs véhiculées par la société moderne

La société actuelle mise sur des valeurs telles que la performance sans faille, la mobilité, la réalisation de soi, l’auto-optimisation et la jeunesse. La perspective de mourir va fondamentalement à l’encontre de ces valeurs. Cela conduit précisément à une orientation plus forte sur l’existence au présent. Pour la plupart des individus, l’éternité n’est plus au cœur des préoccupations mais sa vie individuelle, avec les chances et les possibilités qu’elle recèle. Ou comme l’affirme encore Frank Thieme dans son étude Sterben und Tod in Deutschland, “ce n’est plus l’accueil du défunt dans le ‘royaume des cieux’ et dans l’union avec Dieu qui est attendu et célébré symboliquement lors d’obsèques religieuses. Au contraire, on y déplore la mort en tant qu’événement inéluctable et que fin d’une existence individuelle, ou alors, il en est pris acte avec pragmatisme et lucidité” (trad., p. 254). La personnalité et la vie du défunt sont au cœur de l’enterrement. “La photo de ce dernier, exposée à côté du cercueil ou de l’urne durant le service funèbre, symbolise le recentrage de l’attention non pas sur la résurrection mais sur la mort” (trad., p. 154). Au lieu d’un service religieux public destiné à la propagation de la foi et de la promesse de la grâce divine, la douleur de la séparation occupe la première place.
Une telle approche conduit parallèlement à une privatisation du deuil se traduisant par une tendance à célébrer les obsèques en présence uniquement du cercle familial restreint. Dans ce contexte, les traditions chrétiennes ne sont pas nécessairement écartées “mais constituent une option et, partant, sont intégrées dans le processus d’individualisation” (trad., p. 152). Quant à la croyance chrétienne dans la résurrection, elle devient également une «option» parmi d’autres. Cette individualisation et ce pluralisme accroissent toutefois le risque pour les survivants de se sentir dépassés et insécurisés, avec pour effet de les inciter à se replier encore plus fortement “sur la sphère privé” (trad., p. 216).

 

3.3 La fin de vie et la mort vécues hors des regards

De manière générale, les plupart des personnes n’entrent que rarement en contact direct avec la mort et la fin de vie dans le cadre de leur quotidien. En Suisse, numériquement parlant, les décès se produisent principalement dans des homes pour personnes âgées, puis au sein d’établissements hospitaliers et, enfin, à domicile ou ailleurs. La mort en direct tend à relever de l’exception. Pour Frank Thieme, “une telle expérience a lieu lorsqu’un décès intervient dans son propre milieu de vie. Là où la mort survient sous les yeux de proches, de voisins ou d’amis, elle est visible et vécue concrètement. La mort en direct était la norme avant l’avènement de la société moderne lorsque la division du travail n’existait guère” (trad., p. 27). Cette évolution également pousse à un mutisme croissant sur la manière d’aborder la fin de vie, la mort et le deuil. A cela s’ajoute que, dans nos sociétés modernes, le moment de la mort peut être mieux évalué en raison des progrès de la médecine. Ce n’est pas le destin ou Dieu qui décide de la mort. Le terme de l’existence tend à devenir une dimension partiellement contrôlable des points de vue organisationnel et médical. Semblables mutations contraignent l’individu à réfléchir à sa propre fin (termes consacrés: directives anticipées et carte de donneur d’organes).

 

3.4 Prolongement de l’espérance de vie et causes de décès différentes

Dans les sociétés modernes, la fin de vie et la mort connaissent des changements fondamentaux imputables aux progrès médicaux (diminution de la mortalité infantile, nouvelles thérapies, etc.), mais aussi à l’accès généralisé aux soins et à la protection accrue de la santé sur le lieu de travail garantis par l’Etat-providence. Cela a conduit à un allongement très sensible de l’espérance moyenne de vie au cours des cent dernières années. En Suisse, celle-ci est actuellement (2019) de 85,6 années pour les femmes et de 81,9 années pour les hommes. Parallèlement à cette évolution, les causes de décès ont évolué. Tandis qu’autrefois on mourait souvent de maladies infectieuses, ces atteintes fatales ont pu être réduites massivement grâce à la découverte des antibiotiques. Aujourd’hui, la mort est due principalement aux maladies cardiovasculaires (environ 30% des cas), suivies par les cancers et la démence. Par ailleurs, malgré une multiplication des affections dégénératives chroniques, la dernière phase de la vie de beaucoup d’individus tend à s’allonger. Au fil du temps, les besoins en soins et en assistance des personnes âgées ne cessent d’augmenter et amènent souvent les proches aidants aux limites de leur résistance. Un transfert dans un établissement adéquat se révèle alors nécessaire, où les pensionnaires finissent par s’éteindre loin de l’environnement social quotidien auquel ils étaient habitués. La conséquence en est un amenuisement encore plus significatif du contact direct avec la fin de vie et la mort.

 

3.5 Professionnalisation accrue de la gestion de la fin de vie et de la mort

Les évolutions évoquées plus haut débouchent finalement sur le constat que la mort mais aussi la prise en charge des mourants et des défunts deviennent toujours davantage l’affaire de professionnels.

Au-delà de la perte de leur pouvoir de donner un sens à la fin de la vie et à la mort, les Eglises se sont vu également dépossédées du rôle exclusif, tant technique que pratique, qui était aussi le leur dans le domaine des obsèques. Si, des siècles durant, les enterrements (à de rares exceptions près) avaient lieu dans des cimetières gérés par l’Eglise, aujourd’hui tel n’est plus le cas. Depuis l’avènement de l’Etat moderne, ceux-ci ont été remplacés par des cimetières communaux créés à l’initiative des autorités publiques. Mais ce n’est pas seulement dans le domaine de l’organisation et de la gestion de ces lieux où reposent les défunts que les Eglises ont cédé leur monopole. Ainsi, l’accompagnement des mourants (par exemple la tradition des hôpitaux et hospices tenus par des couvents) ne relève plus de l’autorité ecclésiale. Tandis que jusqu’au XVIIIe siècle, le prêtre avait la compétence d’assister les mourants et d’établir le constat de décès, ces tâches relèvent de longue date déjà du domaine des soins et de la médecine. Récemment, une nouvelle professionnalisation s’est faite jour dans le secteur de l’inhumation des défunts, à savoir les funérailles laïques (en collaboration avec un maître de cérémonie) proposées parallèlement aux obsèques religieuses. Un «marché de l’enterrement» (Frank Thieme, pp. 199 et s) existe désormais, avec des offres hautement individualisées, sur lequel les Eglises se retrouvent en concurrence avec de nombreux autres acteurs opérant dans le domaine religieux et spirituel.

4. Défis et tâches des Eglises

Du fait de la perte d’importance des Eglises et de la multiplication des conceptions et représentations religieuses, la culture du deuil s’individualise et se privatise. La conséquence en est que les collaborateurs pastoraux appelés à présider des célébrations funèbres ont plus de difficulté à répondre aux attentes variées des proches en deuil. Ainsi, lorsque certains parmi eux souhaitent prendre une part active à la célébration (qu’il s’agisse d’une prestation musicale ou de la lecture d’un message personnel à l’adresse du défunt), le travail de préparation de la célébration s’en trouve accru. Et quand le désir d’un enterrement dans le cercle étroit de la famille est émis, une telle exigence va à l’encontre de la mission pastorale d’édification de la communauté et de la communion ecclésiales.

D’un côté, les Eglises sont appelées à se consacrer aux survivants et à répondre à leurs souhaits et à leurs attentes. Il leur appartient de les soutenir dans un esprit d’«orientation client» en faisant montre de souplesse, d’empathie et d’authenticité. Autrement dit, dans la société moderne, les Eglises, pour être proches des gens d’aujourd’hui, n’échappent pas à la nécessité d’être «axées sur le service» et, partant, de fournir du travail de haute qualité. Car, en effet, les enterrements restent pour la grande majorité des gens des rituels importants et précieux compte tenu du caractère éphémère de la vie.

D’un autre côté, les Eglises ont le devoir de se faire les avocats des défunts et des personnes en deuil. Il leur appartient de rappeler les limites étroites de la société moderne axée sur la performance. Elles ont également pour mission de rappeler la fragilité de la vie humaine en pleine conscience et confiance que celle-ci est entre les mains de Dieu.

Enfin, les Eglises sont appelées à assurer une «pastorale du quotidien». Dans leur deuil, les proches d’un défunt se sentent soutenus en première ligne par leur entourage immédiat (notamment la famille, les amis, les collègues de travail), que celui-ci fasse montre de compassion ou apporte un soutien concret (aide pour les achats, visite chez le médecin, préparation de repas ou entretien du ménage).

Mais il n’est pas rare que les personnes décédées laissent derrière elles un grand vide au niveau des relations sociales. La conséquence en est que leurs survivants (surtout des femmes âgées) se retrouvent seuls. “Il est impossible de réussir à parler d’un disparu lorsque les interlocuteurs manquent” (Frank Thieme, p. 157, trad.).

Le renforcement et la promotion d’un réseau de solidarité dans la vie quotidienne sont dès lors nécessaires en période de deuil (et de loin pas seulement à ce moment-là). Sur ce plan, les Eglises sont à même d’apporter une contribution importante dans la mesure où les collaborateurs pastoraux entretiennent des contacts réguliers avec les personnes en deuil (par exemple visites à domicile ou prise de nouvelles par téléphone). En outre, les Eglises peuvent encourager des intéressés à s’engager en tant qu’accompagnants réguliers de personnes dans le deuil (notamment en leur proposant des parcours de formation) ou susciter des initiatives telles que la mise sur pied de services de visites à domicile ou d’aide pour la vie de tous les jours (par exemple pour les achats). Dans le monde anglophone, le concept de «caring communities» ou de «compassionate communities/cities» s’est imposé (Aoun et al., 2018). Ce faisant, les Eglises apportent un peu d’espoir et de consolation face au deuil et à la solitude qui sont le lot de nombreux survivants. Elles contribuent à redonner chaque jour une vie nouvelle au Dieu fait homme.

Littérature

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